dimanche 27 mars 2011

Article critique Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants

« Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants », un roman qui se distingue
Parle leur de batailles, de rois et d’éléphants, écrit par Mathias Enard et publié par Actes Sud en 2010, retrace les péripéties de Michel- Ange lors de son séjour à Constantinople. C’est suite à une altercation avec le pape Jules 2 et une invitation du sultan Bayazid que Michel-Ange va se retrouver architecte afin de superviser la construction d’un grand pont destiné à relier Constantinople et Péra, un faubourg septentrional. Michel-Ange parviendra-t-il à réussir là où Léonard de Vinci a échoué ?

Un roman pas comme les autres

Ce qui rend différent « Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants » des autres romans est l’aspect poétique du récit : la poésie est toujours présente dans l’atmosphère dans laquelle Michel-Ange évolue. Le narrateur, dans ce récit, est omniscient, et il met en avant l’aspect poétique en partie grâce aux lettres que Michel-Ange envoie à ses proches durant son séjour à Constantinople. La lecture est rythmée par la mise en forme que lui donne l’auteur : il écrit à certains moments à la manière des chants et poèmes ottomans à cette époque, ce qui est sans doute l’un des points fort de ce roman.

La distinction qu’on fait entre ce récit et les autres romans est la forme de la narration. La plupart du récit est à la 3ème personne : le narrateur est extérieur mais nous sommes dans le point de vue de Michel-Ange ou, plus rare, celui de Mesihi. On remarque cependant que certains passages changent de narrateur : il devient « je ». Un « je » d’abord indéfini qui parle à un « tu » qu’on suppose être Michel-Ange. Leur identité et leur rapport s’éclairciront au fil du récit.

Dans son livre, Mathias Enard raconte la vie de Michel-Ange à partir de faits réels et fictifs. En effet, pour écrire son roman, l’auteur, passionné des histoires des arts et de la Turquie, est parti d’une découverte étrange dans la bibliothèque de la villa Medicis (dont il a été résident entre 2005 et 2006) à Rome. Dans une biographie de Michel-Ange, il lit en effet cette phrase : « Et Michel-Ange reçut alors l’invitation du sultan de Constantinople pour construire un pont ». Pour l’admirateur de Michel-Ange et le passionné de la Turquie, ces deux lignes énigmatiques sont trop étranges pour être oubliées. Il continue ses recherches en lisant la biographie de l’artiste réalisée par Ascanio Condivi, un contemporain et ami du peintre. Il y apprend que l’invitation a été transmise par deux moines franciscains et la date exacte de la transmission de la lettre.

Par la suite, il voyage en Turquie pour savoir si une trace à propos de cela avait été gardée. Il y trouve un croquis anonyme mais pouvant correspondre à un dessin de Michel-Ange par le style et par la date. Un voyage à Milan lui révèle également un croquis refusé de Léonard de Vinci.

« Pour le reste, on n’en sait rien » : c’est avec cette phrase que Mathias Enard termine son livre.

On voit bien ici que Mathias Enard est parti de faits réels afin de commencer son histoire. Les péripéties de Michel-Ange à Constantinople proviennent, elles, de son imagination.

http://rhinoceros.eu/2010/08/parle-leur-de-batailles-de-rois-et-d-elephants-de-mathias-enard/

La beauté de la ville

Ce qui marque aussi le livre sont les descriptions. Lors de son arrivée à Constantinople, Michel-Ange est fasciné par le monde qui l’entoure, ce monde qu’il ne connait pas : le monde ottoman. Constantinople, qui était avant une cité chrétienne, est maintenant emprunte de religion musulmane.

L’ensemble de ce texte dégage une impression de poésie. D’abord par le lieu où se situe l’histoire, Istanbul et les mystères de l’Orient :

« Il s’est laissé conduire, à pied à travers les rues tièdes de la ville. Les boutiques fermaient, les artisans cessaient le travail, les parfums des roses et du jasmin, décuplés par le soir se mêlaient à l’air marin et aux effluves moins poétiques de la cité. » (p44)

C’est avec les yeux de Michel-Ange, qui cherche l’inspiration, que nous découvrons cette contrée lointaine, avec ses saveurs, ses odeurs, ses couleurs, et bien sûr ses personnages : le sultan, le vizir, les chanteurs, le poète ottoman Mesihi. Michel-Ange découvre Constantinople, cette ville majestueuse, embellie par les monuments qu’on peut y voir : Sainte Sophie, ses mosquées et ses caravansérails.

Les réflexions de Michel-Ange et son cheminement dans la création, la façon dont il imagine le pont, comment il parvient à élaborer sa création artistique sont aussi en lien avec la beauté de la ville.

« La beauté vient de l’abandon du refuge des formes anciennes, pour l’incertitude du présent. Michel-Ange n’est pas ingénieur. C’est un sculpteur, on l’a fait venir pour qu’une forme naisse de la matière, se dessine, soit révélée » (p 57)

Michel-Ange admire et observe les formes des bâtiments de la cité afin que son pont puisse ressembler aux structures merveilleuses de cette ville magnifique.

http://www.telerama.fr/livres/parle-leur-de-batailles-de-rois-et-d-elephants,59095.php

L’amour et les désirs

L’amour est également très présent dans ce roman. Deux personnages sont concernés avec Michel-Ange.

Il y a tout d’abord le poète Mesihi, qui dès l’arrivée de Michel-Ange, commence à éprouver des sentiments pour lui. L’artiste préfère ne pas s’en apercevoir tout au long du récit. Mesihi est un personnage très vivant dans ce roman. On découvre son point de vue lors de ses monologues, lorsqu’il est étendu auprès de Michel-Ange. Il lui raconte, il lui parle, tente même de l’éveiller. Son amour et son sacrifice pour Michel-Ange à la fin du récit son très touchants.

Il y a ensuite l’amour entre la jeune andalouse et le héros du livre, fasciné par sa danse et ses chants. C’est sa voix et elle qui parlaient à Michel-Ange dans la nuit, lorsqu’elle lui contait les batailles de rois et d’éléphants.

La poésie se retrouve dans le style et les descriptions. Lorsqu’il rencontre l’Andalouse, l’auteur utilise des mots simples mais de manière répétées, ce qui donne une impression de poésie

« Ton bras est dur, ton corps est dur, ton âme est dure.. » p 29

« Tu penses désirer ma beauté, la douceur de ma peau, l’éclat de mon sourire, la finesse de mes articulations, le carmin de mes lèvres, mais en réalité, ce que tu souhaites sans le savoir, c’est la disparition de tes peurs, la guérison, l’union, le retour, l’oubli. Cette puissance en toi te dévore dans la solitude.

Alors tu souffres, perdu dans un crépuscule infini, un pied dans le jour et l’autre dans la nuit. »

Tout au long de l’histoire, il est question de sensibilité : celle de Michel-Ange, qui apparait comme un artiste tourmenté par son travail de création mais aussi comme un personnage à la sensibilité très forte avec un mélange de sentiments et de sensations tels que la peur, la mort, l’amour, l’ivresse :

« Michel Ange cherche l’amour, Michel Ange a peur de l’amour, tout comme il a peur de l’enfer » (p.79)

« Lui qui voit l’amour comme un chant divin écarté de la chair, passé dans la poésie tel le mouvement du bras passé dans le marbre pour l’éternité… » (p.91)
http://chroniquesdelarentreelitteraire.com/2010/08/roman-francais/parle-leur-de-batailles-de-rois-et-delephants-de-mathias-enard
Nicolas CRONIMUS & Louis-Baptiste ANNINO, 2nde 4 au lycée Jacques Monod, 15 rue du fort, 92 140 Clamart

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