dimanche 27 mars 2011



Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants



Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants est le dernier livre écrit par Mathias Enard, écrivain et traducteur français, célèbre pour son roman zone . Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants a été publié en 2010 aux éditions Actes Sud. Ce livre retrace le voyage du célèbre artiste italien, Michelangelo, lors de son arrivée à Constantinople, le 13 mai 1506 sur invitation du sultan Bajazet II, afin de réaliser un pont. Michelangelo fuit l’Italie le Pape Jules II laissant en chantier l’édification du tombeau, à Rome.


Un récit historique et le début d’une amitié


Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants est à la fois une histoire vraie, celle de l’arrivée de Michelangelo à Constantinople, donc un fait historique, mais Mathias Enard encre dans son livre des passages fictifs d’une manière intelligente, fine et subtile. Ce livre est un roman historique et l’univers fictif se mêle au voyage de Michelangelo.


Mesihi est un poète, qui va accompagner tout au long du récit Michel-Ange et se prendre de passion pour ce dernier. Un étroit lien va unir les deux artistes, l’un touchant à l’art de l’abstrait, des mots, l’autre, du concret. Et pourtant, nous ressentons comme une complicité qui dépasse les mots entre ces deux hommes, c’est peut-être tout simplement cette passion pour l’art qui les unit, parfois malgré eux.


Tout au long du roman, Mathias Enard fait de nombreux liens avec les différents arts, notamment avec la musique et la danse. En effet, le personnage principal, Michel-Ange, tombe sous le charme d’une personne androgyne, enivrante de grâce, de subtilité, restant dans une sorte de brouillard. Cette personne, jeune, est musicienne, elle danse, rappelant les derviches tourneurs, dans leurs grands tissus amples, dissimulant les formes, pour renforcer la sensation d’une personnalité intouchable, inatteignable, qui nous échapperait sans cesse.

Les effluves d’alcool, les nombreuses senteurs épicées, au son du luth et des tambourins font tourner la tête de l’artiste, l’entrainant toujours plus, au cours de ces soirées dans une lenteur languissante, une torpeur qui le tient, l’empêchant d’une certaine manière de se consacrer pleinement au pont, à l’œuvre qu’il doit réaliser.


« Il leur faudra parler longtemps de batailles perdues, de rois oubliés, d’animaux disparus. » (p128)


Ces quelques mots sont prononcés par la danseuse, dans l’obscurité de la chambre, à mi-voix, à Michel-Ange, dans une langue étrangère. Ils ne seront pas compris directement par Michel-Ange mais celui-ci les réécrira dans son carnet où il fait ses listes sous la forme suivante :

« Reyes, batallas, elefantes.

Battaglie, re, elefanti. » (p129)

Les listes. Suite de mots où Michel-Ange écrit ses pensées, à la manière d’un pense-bête, mais un enchainement de termes, pour essayer de reconstituer, lors de la lecture, l’univers, l’atmosphère du moment présent. Elles sont rédigées à première vue en désordre, sans harmonie, mais en y prêtant attention, nous remarquons une sorte de prose, qui va rythmer le roman.


« 19 Mai : Bougies, lampe, deux petites pièces ; brouet (herbes, épices, pain, huile) autant ; poissons en friture, deux pigeons, un ducat et demie ; service, une petite pièce ; couverture de laine, un ducat.

Eau fraîche et claire. »


Dans le livre Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, Michelangelo est invité à Constantinople sur demande du sultan Bajazet II. Celui-ci demande à l’artiste de construire un pont sur la corne d’or suite au désistement du célèbre léonardo Da Vinci.

Le Pont n’est qu’un simple pont, il est à la fois un pont militaire, commercial, religieux ainsi que politique. Le pont illumine également l’âme d’Istanbul : une ville internationale dont l’édifice au-dessus du Bosphore dévoile son alliance entre l’Occident et l’Orient. Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphant nous révèle le cosmopolitisme et la tolérance intemporels de la capitale de la Turquie en nous plongeant dans la ville au XVIe siècle.

« En retraversant la Corne d’Or, Michel-Ange a la vision de son pont, flottant dans le soleil du matin, si vrai qu’il en a les larmes aux yeux. L’édifice sera colossal sans être imposant, fin et puissant. Comme si la soirée lui avait dessillé les paupières et transmis sa certitude, le dessin lui apparaît enfin. Le pont qui, telle une apparition, finit par surgir de l’esprit de l’architecte prend ainsi une valeur de symbole, celui de la réconciliation des forces contraires qui le torturent intimement ».

http://a34.idata.over-blog.com/2/72/00/88/signets/parle-leur-enard/felix-ziem-lever-soleil-constantinople.jpg

Michel-Ange l’Artiste

Mathias Enard fait de Michel-Ange un personnage à la personnalité complexe, fascinante, hors du commun. L’artiste se considère lui-même comme un génie, au dessus des autres, supérieur. Il se sait meilleur que le renommé Leonard de Vinci, qui a aussi proposé un croquis de pont pour le sultan Bajazet, proposition qui a été rejetée. Il est distant, méprisant, impulsif, lunatique, tantôt dans une grande colère, tantôt très calme. Son caractère est dur à cerner, il n’exprime pas ses désirs, ne communique pas vraiment ses sentiments sur la situation qu’il vit, comme lorsqu’il veut absolument assister à une exécution publique, et que cela le laisse de marbre. Ses relations avec les gens sont pour le moins originales ; il n’a pas vraiment d’amis mais s’attache à certaines personnes comme le poète Mesihi, qui lui servira de guide lors de son séjour à Istanbul, il en craint d’autres comme le pape Jules II pour lequel il est chargé d’édifier un tombeau et qu’il fuit en quittant Rome, il correspond avec ses frères dont on ne sait rien. Il ne ressent pas le puissant attachement que Mesihi a pour lui.

L’artiste a une manière bien à lui de travailler. Durant la majeur partie du livre, il dessine des animaux, des lieux, des parties de l’anatomie du corps humain, se promène dans la ville, assiste à des fêtes... Il ne recherche pas une nouvelle idée, c’est l’idée qui vient à lui, qui lui apparait, pour qu’il la réalise. Il peut donc attendre des mois qu’un nouveau projet lui vienne, puis prendre seulement quelques jours à sa réalisation. Et ses réalisations sont souvent inoubliables, imposantes, géniales, à l’image de leur créateur. Dans le roman, Michel-Ange possède un carnet, un journal où il note toutes ses pensées, où il réalise ses croquis, où il consigne sa vie avec des mots. On peut ainsi lire plusieurs listes de mots, sans rapports apparents entre eux, dans le désordre, juste mis à plat sur le papier. Nul ne sait qu’elle est la raison de ces listes, mais le fait est qu’elles sont là, présentes, révélatrices de la personnalité énigmatique du génie qui va peindre en 1511 la célèbre fresque de la chapelle Sixtine.




Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants est un petit chef-d’oeuvre inspiré du voyage de l’artiste Michelangelo. Dans ce livre, nous voyageons à travers le temps et découvrons une histoire méconnue de la vie de Michelangelo. Nous découvrons au fil des pages, la ville de Constantinople, sa religion, et son art.

Mathias Enard nous murmure une magnifique histoire qui nous parle « de rois, de batailles et d’éléphants ».

Grégory Laurent-Gualandi, Clara Curmi et Pauline Bouschon,

2de 11 du lycée Jacques Monod de Clamart

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