Comment l'Orient attire-t-il Michel-Ange ?
«Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants», écrit par Mathias Enard, est l'ouvrage élu au prix Goncourt des lycéens 2010. Il est paru en août 2010, édité par ACTES SUD.
Ce titre a été emprunté à un roman de Rudyard Kipling, Au Hasard de la Vie.
Mathias Enard est un écrivain ainsi qu’un historien français, qui a étudié le persan et l'arabe. Il a ensuite passé un doctorat au CNRS dans la section monde iranien, et effectué de longs séjours d'études au Moyen-Orient.
Mathias Enard nous emmène dans le monde Occidental. Ce roman se passe en 1506, juste après la chute de Constantinople le 29 mai 1453. En 1453, commandées par le sultan Mehmed II, les armées ottomanes provoquent la chute de Constantinople et mettent fin à l'Empire byzantin, établissant ainsi la domination de l'empire sur la partie à majorité chrétienne de la Méditerranée orientale.
L'art byzantin s'est développé dans l'Empire byzantin entre la disparition de l'Empire romain d'Occident en 476, et la chute de Constantinople en 1453. L'art produit auparavant dans la même région est confondu avec l'art paléochrétien. Tout comme l'Empire byzantin est le prolongement politique de l'Empire romain, l'art byzantin se développe à partir de l'art romain, lui-même profondément influencé par l'art grec antique. L'art byzantin a toujours conservé en mémoire cet héritage classique. La capitale, Constantinople, est ornée d'un grand nombre de sculptures classiques, qui ont pu devenir un objet d'étonnement pour certains de ses habitants.
Ce roman raconte l’histoire de Michel-Ange (sculpteur, peintre, et architecte italien) à Constantinople afin d’y construire un pont. A Rome, il laisse en plan le tombeau qu'il dessine pour Jules II, le pape guerrier et mauvais payeur. Il reçoit une invitation de la part du sultan, pour lui confier la conception d'un pont sur la Corne d'Or, projet retiré à Léonard da Vinci.
« Parle-leur de batailles de rois et d'éléphants » est un roman différent des autres qui donne envie de poursuivre sa lecture tant qu’il n’est pas terminé. En effet, il se base sur la véritable vie de Michel-Ange (peintre, sculpteur, architecte mais aussi poète de la renaissance) tout en y mêlant des éléments fictifs. On y trouve des faits historiques et d'autres complètements inventés. On pourrait donc parler soit d'une biographie romancée soit d'un roman historique. Arrivera-t-il à aboutir à son objectif ? Convaincra-t-il le sultan par son esprit imaginatif et va-t-il réussir à succéder à Léonard de Vinci ?
Comment le monde oriental a-t-il réussi à influencer Michel Ange dans la construction de son pont ?
Michel-Ange, au début du roman n’a aucune idée de ce qu’il va faire comme pont, quel édifice, quelle hauteur et quelle taille ? Il remarque juste le travail de Léonard de Vinci, médiocre selon lui. « Le dessin de Léonard de Vinci est ingénieux. Le dessin de Léonard de Vinci est si novateur qu’il effraie. Le dessin de Léonard de Vinci n’a aucun intérêt car il ne pense ni au sultan, ni à la ville, ni à la forteresse » (page 35). D’emblée, il devine et voit que son pont sera « un pont militaire, un pont commercial, un pont religieux ». Il se met alors à visiter toutes les merveilles de Constantinople, comme la basilique Sainte-Sophie. Celle-ci a été érigée au IVème siècle et est une des plus grandes basiliques existantes, de grande renommée. Certains la considèrent comme la huitième merveille du monde. Son originalité vient de sa grande coupole unique au. Mais le travail de l’italien n’avance pas, et le doute s’insinue en lui. Pour lui, le pont doit être le symbole de cette ville. Mais « pour le moment, la matière de la ville lui est si obscure qu’il ne sait avec quel outil l’attaquer » (Page 57).
Finalement, après une soirée auprès de l’esclave andalouse, il voit enfin son pont. Imprégné de la douceur du monde oriental , imbibé de ses odeurs et de ses chants, Michel-Ange a « la vision de son pont, flottant dans le soleil du matin, si vrai qu’il en a les larmes aux yeux. L’édifice sera colossal sans être imposant, fin et puissant. Comme si la soirée lui avait dessillé les paupières et transmis sa certitude, le dessin lui apparaît enfin. (…) Un pont surgit de la nuit, pétri de la matière de la ville ». (p.100).
Michel-Ange a construit son pont grâce à la douceur de la ville, à la tendresse de l’esclave Andalouse, au dévouement et à l’admiration que porte le poète Mesihi sur lui. Le monde oriental a donc fortement influencé Michel-Ange, et continuera à l’influencer après son départ, comme on peut le voir par la création du plafond de la chapelle Sixtine où, dans la très célèbre « création d'Adam »- où Dieu tend la main vers Adam pour lui donner la vie- le visage d’Adam ressemble très fortement à celui du poète turc Mesihi.
Comme peut-on le voir, Mathias Enard a insisté sur la poésie dans son roman. Il met en place la poésie avec des aspects différents. Michel-Ange passe de temps en temps à dévouer ses sentiments, ce qui a métamorphosé en poésie !
La poésie au cœur du roman
On peut voir que la poésie prend une place très importante dans ce roman. On peut lire des passages très poétiques intégrés au cœur du récit, en particulier ceux racontés à la première et à la deuxième personne, à travers les yeux de la mystérieuse danseuse, que l'on retrouve à plusieurs reprises dans le livre.
« La nuit ne communique pas avec le jour, elle y brûle. On la porte au bûcher à l'aube. Et avec elle ses gens, les buveurs, les poètes, les amants. » (p.9)
"Ton ivresse m'est si douce qu'elle me grise.
Tu souffles doucement. Tu es en vie. J'aimerai passer de ton côté du monde, voir dans tes songes. Rêves-tu d'un amour blanc, fragile, là-bas, si loin ? D'une enfance, d'un palais perdu ?" (p.66)
L’esclave Andalouse parle de Michel-Ange. Par ces mots, nous avons l’impression que cette esclave le connaît, devine ses pensées et ses sentiments.
Mesihi se trouve également au cœur de la poésie. Il n'ose révéler son amour à Michel-Ange, et le seul moyen pour lui d'oublier est de se plonger dans l'alcool et de réciter des vers.
"Je ne cesse de désirer que lorsque mon désir
Est satisfait, que ma bouche atteint
La lèvre rouge de mon amour
Où mon âme expire dans la douceur de son haleine" (page 94).
Ces passages apportent beaucoup de beauté au texte et le rendent plus vivant. On peut dire ainsi qu’il y a un vrai registre poétique dans ce texte.
« Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants » se différencie des autres livres. Mathias Enard respecte la personnalité de Michel-Ange. Ce roman est plutôt à la fois réaliste et narrative, même dans les poèmes. Mais outre sa créativité, son imagination, Mathias Enard nous emporte dans le monde oriental où Michel-Ange est attiré.
Vinoth Chelliah, Céline Gouriet et Florence Detailleur (2de 4)
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