samedi 26 mars 2011

Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants, un voyage féerique au pays du Grand-Turc


Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants, un voyage féerique au pays du Grand-Turc
Avec Parle leur de batailles de rois et d'éléphants, Mathias Enard a fait le choix de raconter quelques mois méconnus de la vie de Michel-Ange. Quelques mois oubliés dont il ne reste que très peu de choses: seulement quelques lettres et plans à partir desquels l'auteur transporte son lecteur dans un voyage inoubliable entre histoire et poésie, réalité et fiction, nuit et jour. De ce voyage, on en retiendra surtout une atmosphère, celle d'un orient en construction sur lequel flotte un parfum d'épices et de rêve.
Michel-Ange a vécu 88 ans de 1475 à 1564. Nous lui connaissons de nombreux chef-d'œuvre dont les plus connus sont très certainement le David de Florence et le plafond de la Chapelle Sixtine.
De nombreux « chapitres » de sa vie nous sont connus comme sa jeunesse à Florence, son amitié émaillée de disputes avec le pape Jules II, ou encore la construction inachevé
e du tombeau de ce dernier.
Cependant, ce n'est pas cela qu'a choisi de raconter Mathias Enard: dans Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants, il préfère évoquer un passage peu connu de la vie du peintre: son voyage en 1506 à Constantinople.
En 1506, Michel-Ange travaille déjà depuis quelques années sur
la construction du tombeau monumental de Jules II. Cependant, exaspéré par le comportement du pape, qui ne le traite pas comme il le voudrait et qui de plus est mauvais payeur, le sculpteur décide de quitter Rome. Il se réfugie alors dans sa ville natale, Florence, où il attend avec impatience et anxiété une lettre du souverain pontife qui tarde à venir. Au bout de quelques jours, il reçoit une lettre, mais du grand turc, qui l'invite à Constantinople pour la construction d'un pont au dessus de la Corne d'Or.
En 1506, cela fait aussi un peu plus de 50 ans que les ottomans occupent l'ex- capitale orthodoxe. Ainsi, plus qu'un voyage dans l'histoire, Mathias Enard nous emmène avec Michel-Ange dans un voyage entre deux mondes, dans une Europe partagée entre l'occident chrétien et l'orient musulman (ce qui est, encore aujourd'hui d'actualité). C'est sans doute ce voyage qui nous cueille et nous transporte dans cet univers particulier, plein de poésie. Mesihi, un poète ayant réellement existé, protégé du vizir Ali Pacha, que Michel-Ange rencontre à Constantinople
est en quelques sorte le symbole de cette poésie. À la page 94, Mathias Enard cite quelques uns de ses vers:

« Je ne cesse de désirer que lorsque mon désir
est satisfait, que ma bouche atteint
la lèvre rouge de mon amour,
où mon âme expire dans la douceur de son haleine. »

Le livre commence par cet extrait emprunté à Rudyard Kipling: « La nuit ne communique pas avec le jour. Elle y brûle ». Cette formule prend tout son sens à partir de la page 42, lorsque Michel-Ange aperçoit pour la première fois une danseuse, dont il ne sait pas très bien s'il s'agit d'une danseuse ou d'un danseur, et dont il tombe sous le charme. Sous le charme de ce corps parfait et c'est ce qui constitue avec la construction du pont, le deuxième pilier du livre. Cependant, assez vite, ce pont ne se sera plus qu'un prétexte pour un livre parlant d'amour et d'ivresse. C'est ainsi que tout le long du récit, la nuit sera le règne de l'imaginaire, du rêve et du fantasme matérialisés par la danseuse; et le jour ne sera qu'un passage par la réalité où l'on retrouve une certaine lucidité.
Ce n'est pas un livre que nous lirons pour la richesse de son histoire mais pour l'atmosphère mysté
rieuse et confuse se dégageant des nombreuses oppositions ressortant du livre et par la poésie omniprésente.
À chaque page, nous découvrons un peu plus le sculpteur, personnage atypique qui oscille entre le génie arrogant le jour et l'âme sensible envoutée par la vue d'une danseuse, la nuit.
Ce n'est cependant pas une biographie : tout au long du livre, Mathias Enard reste sur le fil entre petite histoire et grande Histoire; et Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants apparaît finalement comme une fiction guidée par quelques éléments historiques.
Ni biographie, ni fiction, Mathias Enard a trouvé un style nouveau et original entremêlant dans une certaine magie réalité et fiction. L'ensemble de l'histoire est imprégnée de poésie, non seulement par la présence de quelques poèmes mais encore tout au long du livre avec une omniprésence très plaisante qui tient le lecteur en haleine jusqu'à la fin tragique.


Laurent Selinder, Claire Bouchereau, Lucas Soumier et Lucie Fourment (2de 4)

vendredi 25 mars 2011

Article critique de lycéens (2°11)

Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants : un pont entre les civilisations

Parle-leur de jalousie, d’amour et de fascination… Parle-leur de passions et de conspirations… Parle-leur de poésie, d’art et d’inspiration… « Parle-leur de batailles et de rois, de chevaux, de diables, d’éléphants et d’anges », comme déjà l’écrivait Rudyard Kipling dans Hasard de la vie, en 1928.

Telle est la promesse que cache ce titre aux tonalités orientales. Déjà salué en 2009 pour son roman Zone par les prix de Décembre et du livre Inter, Mathias Enard nous entraîne dans ce nouveau roman, paru aux éditions Actes Sud et récompensé en 2010 par le prix Goncourt des lycéens, dans un univers qui lui est cher. Par ses études de la langue et de la culture persane et arabe, par ses voyages au Moyen-Orient et ses recherches universitaires sur le monde iranien, il recrée dans ce dernier ouvrage toute la splendeur de l’Orient qui illumine le roman.

L’histoire du travail d’un artiste

L’auteur narre avec passion et réalisme l'histoire d'un artiste au cœur froid. Son projet de construction d’un pont est un véritable défi pour surpasser les plus grands artistes de son époque, au prix de trahisons, de rivalité et d’amour. Michel-Ange, sculpteur, peintre, artiste, délaisse le tombeau de Jules II, bravant le courroux du pape guerrier, au delà des pays, au delà des religions. Le 17 avril 1506, il part rejoindre Bajazet au pays des milles et une nuits pour relier et sublimer les deux rives de la Corne d’Or d’un inoubliable monument. Il compte ainsi prouver son talent en surpassant le génie de là Léonard de Vinci où il avait échoué quelques années auparavant. Cherchant l’inspiration lors de visites et rencontres avec le monde oriental, Michel-Ange se laisse imprégner de cette riche culture si différente de la sienne et envoûter par les charmes d’une mystérieuse danseuse. Mais de nombreuses difficultés ralentiront son cheminement vers l’achèvement de son œuvre, qu’il quittera inachevée, imparfaite, et qui finira détruite par les méfaits de la nature. Près de cinq siècles plus tard, Mathias Enard nous fait part d'un fait historique resté dans l’ombre, retraçant ainsi une facette méconnue de l’artiste.

Rencontre de l’histoire et de la poésie

Une mélancolique et touchante poésie se dégage de l’écriture, mêlant l’amour, le chant et les souvenirs aux beautés du monde oriental. C'est une histoire de la nuit, la beauté des mots disparaissant avec le soleil, ne laissant qu'un vague souvenir, un plaisir lointain, nuit oubliée... La poésie enveloppe d’un brouillard onirique les faits bruts de l’histoire. A la manière d’une biographie de Michel-Ange, le roman est ponctué de dates, dates de l'Histoire que personne n'a pris le temps de connaître. Mathias Enard nous fait découvrir avec douceur et passion cette période de la vie de l’artiste, un temps oublié, inconnu ou presque, relatant les faits comme s'il se trouvait aux côtés du sculpteur. Ses sources d’inspiration, ses moments de doutes, de faiblesse, ses colères soudaines et ses choix, douloureux et irréversibles sont couchés à jamais sur le papier. Et Michel-Ange est là, dans toute son humanité, dans toute sa réalité, au cœur de l’histoire : ces lettres qu’il a écrites à ses frères, toutes ces petites choses que dans son carnet il consignait, réapparaissent et cinq cents ans plus tard nous les lisons, émus de redécouvrir, comme pour la première fois, un artiste si célèbre. Mathias Enard a su manier les genres, dosant avec justesse les passages poétiques, narratifs et réalistes, mêlant romanesque et éléments biographiques.


Un témoignage culturel haut en couleur

Vue de Sainte-Sophie
Rouge, orange, jaune, toutes ces tonalités chaudes nous transportent dès les premières pages dans l’atmosphère envoûtante de Constantinople. Couleurs de l'Orient, du soleil couchant, de la chaleur, mais aussi de la violence, de la passion, de la mort, du sang. Mais l’Orient, c’est aussi un univers plus sombre, plus feutré, plus discret, un profond bleu nuit. Couleur du ciel nocturne d’Orient, que l’on imagine parsemé d’étoiles brillantes. Nuits sans sommeil, de travail pour Michel-Ange, d'alcool et d'opium pour Mesihi, poète ottoman talentueux et débauché. A la lecture, les paysages orientaux s’imposent à nos yeux. L’on découvre avec une fascination et un éblouissement égal à celui de Michel-Ange, la merveilleuse Sainte-Sophie, l’on imagine l’appel du muezzin qui invite à la prière du haut des majestueux minarets. Un artiste charmé par l’éclat de la célèbre mosquée et les merveilles du monde ottoman au-delà des différences culturelles, l’art dépassant les réticences et l’intolérance religieuses si présentes au XVIème siècle.

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants est une invitation au voyage, à la découverte de l’art et de l’histoire à travers une autre culture. L’écriture poétique, limpide, la justesse de l’expression des sentiments donnent vie à un Michel-Ange loin de la Chapelle Sixtine et du David, un Michel-Ange qui doute, échoue, aime, vit. Une petite histoire dans la grande Histoire qui a enrichi l’artiste et qui fait que jamais plus, nous ne verrons les œuvres de Michel-Ange du même œil. Pour reprendre les derniers mots de Michel-Ange en quittant Constantinople, l’artiste ne cherche-t-il pas à « Apparaître, poindre, briller. Consteller, scintiller » pour ne jamais s’éteindre.

Aline Pinçon, Claire Campagnolle, Manon Radiguet et Mathilde Roullot (2°11)

Parle-leur de batailles : une croisée de genres

Parle-leur de batailles : une croisée de genres

Un roman biographique et historique...

Le roman Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants a été écrit par Mathias Enard en août 2010 et édité par Actes Sud.

Le 13 mai 1506, Michelangelo quitte l'Italie et débarque à Constantinople. Fâché avec le pape Jules II, guerrier et orgueilleux, qui refuse de le payer. Obligé de fuir Rome, il a laissé en plan la construction et répond à une invitation du grand sultan Bajazet qui veut lui confier la conception d'un pont sur la Corne d'Or, en échange d'une grosse somme d'argent, projet retiré à Leonardo da Vinci. Michel-Ange accepte alors cette opportunité afin de prouver sa prééminence au monde occidental et oriental, même s'il craint de déplaire au pape en se rendant chez un ennemie Urgence de la commande, tourbillon des rencontres, séductions et dangers de l'étrangeté byzantine, Michel Ange, l'homme de la Renaissance, esquisse avec l'Orient un sublime rendez-vous manqué

Parle-leur de batailles de rois et d'éléphants est un roman très riche par son écriture très diversifiée; on ne trouve pas un seul genre littéraire mais plusieurs qui sont mêlés au fil des pages. Ce n'est donc pas un roman comme les autres, il se démarque par un éventail de genres: biographique, historique, poétique ou encore épistolaire.

Pour commencer, nous pouvons étudier la façon dont l'auteur dépeint cet épisode de la vie de Michelangelo sous une approche historique et biographique. Le livre est structuré par les dates, historiques et oubliées, recherchées par Mathias Enard qui a décidé de décrire avec douceur et passion le déroulement de cette courte période, un temps inconnu ou presque, relatant comme s'il se trouvait, au moment des faits, aux cotés du sculpteur.

C'est aussi un roman historique, l'écrivain s'est en effet inspiré de faits réels : la construction d'un pont. Un pont qui relit deux mondes, deux civilisations, entre l'orient et l'occident, voilà son défi. De plus, ce roman regorge de nombreuses anecdotes sur la vie dans la cour d'Ali Pacha ( vécu vers XVIII et XIX siècles. Il était le gouverneur de la région de l'Épire pour le compte de l'Empire ottoman. http://rhinoceros.eu/2010/08/parle-leur-de-batailles-de-rois-et-d-elephants-de-mathias-enard/

mais aussi poétique et épistolaire

Mathias Enard intègre également des passages poétiques qui sont présents soit à travers les vers inventés par Mesihi, soit lors des chapitres où le point de vue interne est celui de l’esclave Andalouse, la belle danseuse orientale, dont Michelangelo est tombé amoureux. Tout au long du récit ces paroles relatent ses propres sentiments. Recueil de poésies diverses, amour, chant, souvenirs, la poésie est une partie intégrante du livre. C’est une histoire de la nuit, la beauté des mots disparaît avec le soleil, ne laissant qu’un vague souvenir, un plaisir lointain, nuit oubliée…

De nombreux poèmes structurent le texte tels que «Tu n'as pas su t'élever à la hauteur de l'amour

Et prendre tel le faucon […], Mes gardiens pour l'éternité.»

Il est également épistolaire, de nombreuses lettres parcourent le roman à pratiquement chaque chapitre. Celles-ci sont écrites par Michel-Ange à ses frères, restés en Italie. Ce dernier leur donne de ses nouvelles, ainsi que des considérations matérielles concernant des questions financières et la fabrication d’une dague pour l’un de ses frères.

«Buonarroto,
J’ai reçus ta lettre et te comprends. [...]
Ton Michelagnolo»

http://www.liremoi.com/Parle-leur-de-batailles-de-rois-et.html

Ces passages nous montrent la correspondance qu’entretenait le sculpteur avec ses frères. Ce «témoignage» nous en apprend ainsi plus sur Michel-Ange. Nous avons particulièrement apprécié les nombreux passages poétiques. Nous trouvons qu'il apporte beaucoup de beauté au texte et le rende plus vivant. Il y a également une musicalité, une émotion, une sensualité, un rêve éveillé que l’on peut ressentir à chaque vers. Beaucoup de poésie s'en dégage, c'est pour cela, à notre sens, que l'on peut vraiment parler de récit poétique pour Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants.

Tout au long de ce roman, Mathias Enard réussit à pénétrer le mystère d'un évènement. Il transgresse les règles pour rendre vivant, haletant et délectable ce mythe historique. Il manie avec une sensibilité élégante le lyrisme des mots pour nous offrir un petit bijou de sensualité qui sort du commun. Histoire, biographie, poésie, lettre,… tous ces genres se mélangent, s’entrecroisent, s’entremêlent, se confondent. Voilà une croisée de genres pour un livre que l’on se doit de lire…

http://www.viabooks.fr/article/parle-leur-de-batailles-de-rois-et-d-elephants-de-mathias-enard-17929


Riva Saha et Céline Vin (2de 11)

Comment l’auteur met-il en scène la sexualité et les relations entre les gens du 16ème siècle ?

Comment l’auteur met-il en scène la sexualité et les relations entre les gens du 16ème siècle ?


Sentiments éprouvé par Mesihi envers Michel Ange

L’attirance de Mesihi

Mesihi tombe amoureux de Michel Ange lorsqu’il est chargé de le guider et de l’accompagner dans l’empire byzantin. Ils se promènent quotidiennement le matin, Mesihi assiste Michel Ange dans ses créations artistiques. Mesihi est un ami fidèle de Michel Angelo, cette loyauté est certainement due au fait qu’il éprouve de forts sentiments envers lui. Mesihi veut vivre avec Michel Ange et celui-ci commence d’ailleurs à éprouver des sentiments envers Mesihi mais les refoule. Lors d’une promenade, Michel Ange rencontre l’andalouse et en tombe presque instantanément amoureux. Lorsque Mesihi l’apprend, il est fou de jalousie et se met à ruminer de très noires pensées.

L’acte impardonnable

Mesihi est remplie de haine après avoir compris que Michel Ange éprouve des sentiments pour l’andalouse. Il commence à la haïr puis finalement cette haine se transforme peu à peu en envie de meurtre. Un jour il surprend Michel Ange et l’andalouse, envahi par la haine, il la tua puis fut tuer par l’être qu’il aimait plus que tout, Michel Ange. Après cet évènement, tout le récit est comme chamboulé et flou.


Les sentiments éprouvés par Michel-Ange

Tout au long de l’ouvrage, on perçoit chez Michel-Ange ses sentiments plutôt confus à l’égard de cette mystérieuse danseuse. Il ne connaît pas vraiment son sexe, est-elle seulement une femme ? En pensant sans cesse à elle, il en est épris, il en est amoureux, à tel point que cela devient une obsession.

Cette obsession, cet amour qui le hante est révélé par des situations où Michel-Ange ne peut se concentrer et met moins de cœur à l’ouvrage. Plusieurs fois, au cours du texte, l’artiste italien rencontre ces situations : il pense intensément à elle, sa bien aimée malgré le doute sur son sexe.

Ce doute semble rendre invraisemblable ou plutôt étonnant cette attirance entre l'artiste et la danseuse. Cela reste un mystère, pour ne pas dire une bizarrerie... Ce mystérieux désir qu’exprime Michel-Ange nous semble étrange.

Lors des représentations de la danseuse, il est admiratif et émerveillé par tous les traits du corps de la « femme » de ses pensées. Son attention est vive, surtout pour ses chevilles et ses avant-bras. L’avant-bras est, pour l’artiste italien, une partie du corps fascinante car il aime les différentes façons de les représenter en jouant sur les muscles.

L’artiste se rendra à plusieurs représentations de la « danseuse Andalouse » avec, à chaque fois, cette énigme en tête : s’agit-il véritablement d’une femme ? Il tentera de le savoir…

Notre peintre aime aussi à observer, chez cette danseuse, son ossature et sa musculature, des mollets à ses biceps animés. Elle le laissera plusieurs fois hébété et sans voix, tant et si bien qu’à la fin des différentes représentations, il finira ses nuits ivres morts sur le trottoir, dans la rue.

Plus surprenant encore, Michel-Ange nous apprend de sa propre pensée le désir et les sentiments qu’il éprouve à l’égard du poète turc Mesihi, un homme.

Ainsi la situation évolue, et l’on apprend que Michel-Ange, malgré son amour et son attirance obsessionnelle pour cette jeune danseuse, a une attirance amoureuse pour Mesihi mais, cependant, sans jamais les montrer. Il considère sa relation amoureuse avec Mesihi comme une sorte de jeu que l’on appelle le « je t’aime moi non plus ».

Les occasions vont être nombreuses, pour Michel-Ange, d’entretenir ce rapport ambigu.

Plusieurs fois, Mesihi reviendra à la charge de manière plus ou moins sous-entendue sans que l’artiste italien ne bronche ou ne daigne le suivre. Rares sont les fois où les deux personnages ne sont pas ensemble. Mesihi vient tous les jours après sa décuite de la vieille chercher Michel-Ange afin de lui faire découvrir la ville et, pourquoi pas, essayer de le séduire et de le convaincre de rester après la réalisation de son pont.

Leur relation peut-être qualifiée de relation libre mais néanmoins sans fondement, car ils s’aiment sans se le dire et sans le montrer. Ces événements et ce petit jeu dont la maîtrise revient à Michel-Ange, à l’instar de Mesihi, n’entame en aucun cas l’amour de Mesihi envers l’artiste. On a même l’impression qu’il ne fait que le consolider un peu plus.

Michel- Ange n’exprimera jamais ses vrais sentiments envers Mesihi quitte à le laisser seul et dans le doute. Le lecteur ne peut faire que des suppositions sur les sentiments du peintre à l’égard du poète turc. Cependant Mesihi continuera d’y croire malgré l’indifférence de son bien-aimé, et on comprend que Michel-Ange tient, tout au long du roman, Mesihi en estime, il lui fait confiance. Surtout depuis que le poète turc lui a offert, en signe d’amour, un beau singe.

On notera qu’à certains moments de l’histoire, Michel-Ange se laisse emporter par cet élan et suit inconsciemment le poète turc, comme lorsque ce dernier lui prend délicatement la main pour l’entraîner à l’intérieur de la mosquée, ou encore lorsque Michel-Ange par une nuit de fatigue et d’ivresse suit son compagnon à travers différentes tavernes de la ville en se laissant guider sans dire un mot…

Michel-Ange et son mal du pays

Malgré ses deux amours, plutôt controversés, entre Michel-Ange et Mesihi et entre l’artiste italien et la danseuse andalouse, le peintre, tout au long du roman, exprime un certain malaise. Le personnage principal du roman ressent le « mal du pays ». Michel-Ange n’a qu’une hâte, celle de finir son pont pour enfin pouvoir s’en aller et retrouver ses frères. Des frères avec qui correspond fréquemment par lettres pour les tenir au courant de sa situation à Constantinople et pour les prévenir de l’avancement du chantier.

Ces lettres sont pour Michel-Ange le seul moyen d’être toujours en relation avec le monde extérieur à celui de Constantinople, et donc avec son pays : l’Italie. Le lien avec son pays, il le garde un peu aussi grâce aux marchands Florentins ou Génois qui l’invitent souvent à leurs banquets lors de fêtes religieuses, comme la saint Patrick.

Arslan, un marchand italien bien introduit à Constantinople, va aussi être pour Michel-Ange un très bon allié, puisque c’est grâce à Arslan que l’artiste italien à pu retrouver la danseuse Andalouse qu’il chérissait.

Le peintre ne trouve pas Constantinople à son goût, il juge cette ville trop différente des villes d’Italie. Le mélange des différentes religions cohabitant dans un même espace frappe aussi bien Michel-Ange que le lecteur.

Pour les gens de l’époque, il n’existait que très peu de villes où cohabitaient musulmans, chrétiens et juifs. Ce qui, certainement, a du surprendre Michel-Ange dès son arrivée.

Ne connaissant pas l’art musulman, il trouve ridicule que les artistes de cette confession ne représentent pas leur Prophète, afin de l’immortaliser, à travers la peinture.

L’artiste italien se sent mal, dans une ville où il n’en comprend pas l’esprit. En revanche, il est séduit par cette ville lorsqu’il aperçoit la cour du sultan Bayazid. Il est en effet éblouit par l’opulence et la splendeur de la Cour, avec cette foule d’esclaves, de ministres et les richesses du Sultan Bayazid. Tout cela le fascine.

Bien que le reste de la ville ne soit pas tout à fait à son goût, et malgré la pression du Sultan et de son premier ministre qui pèse sur ses épaules, Michel-Ange, après quelques nuits de panique, parvient à garder son sang froid. Par sa patience qui le caractérise, et qui caractérise les artistes, il sait que l’inspiration pour la création de ce pont politique peut venir à n’importe quel moment. Il est confiant.

Les règles hygiéniques définis par la religion musulmane, ne conviennent pas tout à fait à notre peintre qui, une fois de plus, ne les respectera pas. En effet, chez lui, Michel-Ange n’a pas l’habitude de se laver au moins une fois par semaine ou même de changer régulièrement d’habit. Cela constitue un autre « malaise » du peintre.

Dans le roman, il ne changera en aucun cas ses habitudes d’antan, quitte à se faire remarquer lorsque, par exemple, il marche dans la rue aux cotés de Mesihi qui est toujours propre et soigné.

Michel-Ange ne mange pas beaucoup, et il ne semble guère apprécier les mets turcs que lui prépare Manuel son traducteur. En revanche, cela lui est arrivé d’abuser de boissons et de vin turc qui rendent rapidement saoul, surtout lorsque l’on n’y est pas habitué…

L’artiste a donc le mal du pays et comprend que Constantinople n’est pas une ville où il y passerait sa vie.


Baptiste Carsuzaa et Yanis Ben Nouna (2de 4)


dimanche 20 mars 2011

Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants

Comment l'Orient attire-t-il Michel-Ange ?

«Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants», écrit par Mathias Enard, est l'ouvrage élu au prix Goncourt des lycéens 2010. Il est paru en août 2010, édité par ACTES SUD.

Ce titre a été emprunté à un roman de Rudyard Kipling, Au Hasard de la Vie.

Mathias Enard est un écrivain ainsi qu’un historien français, qui a étudié le persan et l'arabe. Il a ensuite passé un doctorat au CNRS dans la section monde iranien, et effectué de longs séjours d'études au Moyen-Orient.

Mathias Enard nous emmène dans le monde Occidental. Ce roman se passe en 1506, juste après la chute de Constantinople le 29 mai 1453. En 1453, commandées par le sultan Mehmed II, les armées ottomanes provoquent la chute de Constantinople et mettent fin à l'Empire byzantin, établissant ainsi la domination de l'empire sur la partie à majorité chrétienne de la Méditerranée orientale.

L'art byzantin s'est développé dans l'Empire byzantin entre la disparition de l'Empire romain d'Occident en 476, et la chute de Constantinople en 1453. L'art produit auparavant dans la même région est confondu avec l'art paléochrétien. Tout comme l'Empire byzantin est le prolongement politique de l'Empire romain, l'art byzantin se développe à partir de l'art romain, lui-même profondément influencé par l'art grec antique. L'art byzantin a toujours conservé en mémoire cet héritage classique. La capitale, Constantinople, est ornée d'un grand nombre de sculptures classiques, qui ont pu devenir un objet d'étonnement pour certains de ses habitants.

Ce roman raconte l’histoire de Michel-Ange (sculpteur, peintre, et architecte italien) à Constantinople afin d’y construire un pont. A Rome, il laisse en plan le tombeau qu'il dessine pour Jules II, le pape guerrier et mauvais payeur. Il reçoit une invitation de la part du sultan, pour lui confier la conception d'un pont sur la Corne d'Or, projet retiré à Léonard da Vinci.

« Parle-leur de batailles de rois et d'éléphants » est un roman différent des autres qui donne envie de poursuivre sa lecture tant qu’il n’est pas terminé. En effet, il se base sur la véritable vie de Michel-Ange (peintre, sculpteur, architecte mais aussi poète de la renaissance) tout en y mêlant des éléments fictifs. On y trouve des faits historiques et d'autres complètements inventés. On pourrait donc parler soit d'une biographie romancée soit d'un roman historique. Arrivera-t-il à aboutir à son objectif ? Convaincra-t-il le sultan par son esprit imaginatif et va-t-il réussir à succéder à Léonard de Vinci ?

Comment le monde oriental a-t-il réussi à influencer Michel Ange dans la construction de son pont ?

Michel-Ange, au début du roman n’a aucune idée de ce qu’il va faire comme pont, quel édifice, quelle hauteur et quelle taille ? Il remarque juste le travail de Léonard de Vinci, médiocre selon lui. « Le dessin de Léonard de Vinci est ingénieux. Le dessin de Léonard de Vinci est si novateur qu’il effraie. Le dessin de Léonard de Vinci n’a aucun intérêt car il ne pense ni au sultan, ni à la ville, ni à la forteresse » (page 35). D’emblée, il devine et voit que son pont sera « un pont militaire, un pont commercial, un pont religieux ». Il se met alors à visiter toutes les merveilles de Constantinople, comme la basilique Sainte-Sophie. Celle-ci a été érigée au IVème siècle et est une des plus grandes basiliques existantes, de grande renommée. Certains la considèrent comme la huitième merveille du monde. Son originalité vient de sa grande coupole unique au. Mais le travail de l’italien n’avance pas, et le doute s’insinue en lui. Pour lui, le pont doit être le symbole de cette ville. Mais « pour le moment, la matière de la ville lui est si obscure qu’il ne sait avec quel outil l’attaquer » (Page 57).

Finalement, après une soirée auprès de l’esclave andalouse, il voit enfin son pont. Imprégné de la douceur du monde oriental , imbibé de ses odeurs et de ses chants, Michel-Ange a « la vision de son pont, flottant dans le soleil du matin, si vrai qu’il en a les larmes aux yeux. L’édifice sera colossal sans être imposant, fin et puissant. Comme si la soirée lui avait dessillé les paupières et transmis sa certitude, le dessin lui apparaît enfin. (…) Un pont surgit de la nuit, pétri de la matière de la ville ». (p.100).

Michel-Ange a construit son pont grâce à la douceur de la ville, à la tendresse de l’esclave Andalouse, au dévouement et à l’admiration que porte le poète Mesihi sur lui. Le monde oriental a donc fortement influencé Michel-Ange, et continuera à l’influencer après son départ, comme on peut le voir par la création du plafond de la chapelle Sixtine où, dans la très célèbre « création d'Adam »- où Dieu tend la main vers Adam pour lui donner la vie- le visage d’Adam ressemble très fortement à celui du poète turc Mesihi.

Comme peut-on le voir, Mathias Enard a insisté sur la poésie dans son roman. Il met en place la poésie avec des aspects différents. Michel-Ange passe de temps en temps à dévouer ses sentiments, ce qui a métamorphosé en poésie !

La poésie au cœur du roman

On peut voir que la poésie prend une place très importante dans ce roman. On peut lire des passages très poétiques intégrés au cœur du récit, en particulier ceux racontés à la première et à la deuxième personne, à travers les yeux de la mystérieuse danseuse, que l'on retrouve à plusieurs reprises dans le livre.

« La nuit ne communique pas avec le jour, elle y brûle. On la porte au bûcher à l'aube. Et avec elle ses gens, les buveurs, les poètes, les amants. » (p.9)

"Ton ivresse m'est si douce qu'elle me grise.
Tu souffles doucement. Tu es en vie. J'aimerai passer de ton côté du monde, voir dans tes songes. Rêves-tu d'un amour blanc, fragile, là-bas, si loin ? D'une enfance, d'un palais perdu ?" (p.66)

L’esclave Andalouse parle de Michel-Ange. Par ces mots, nous avons l’impression que cette esclave le connaît, devine ses pensées et ses sentiments.

Mesihi se trouve également au cœur de la poésie. Il n'ose révéler son amour à Michel-Ange, et le seul moyen pour lui d'oublier est de se plonger dans l'alcool et de réciter des vers.

"Je ne cesse de désirer que lorsque mon désir
Est satisfait, que ma bouche atteint
La lèvre rouge de mon amour
Où mon âme expire dans la douceur de son haleine" (page 94).


Ces passages apportent beaucoup de beauté au texte et le rendent plus vivant. On peut dire ainsi qu’il y a un vrai registre poétique dans ce texte.


« Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants » se différencie des autres livres. Mathias Enard respecte la personnalité de Michel-Ange. Ce roman est plutôt à la fois réaliste et narrative, même dans les poèmes. Mais outre sa créativité, son imagination, Mathias Enard nous emporte dans le monde oriental où Michel-Ange est attiré.

Vinoth Chelliah, Céline Gouriet et Florence Detailleur (2de 4)

Article critique


Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants

À la croisée du monde de la poésie, et de celui du roman.
Mathias Enard dans son livre présente le lien ténu entre l'Histoire et la poésie, lien d'une richesse particulièrement attrayante, vivante et irréelle à la fois, mêlant sentiment et violence, jalousie et admiration... Ces éléments ajoutés au contexte historique, contribuent à forger un livre basée sur un fait exact. Ce roman se déploie savamment en mettant ainsi en lumière quelques semaines oubliées des hommes, décrivant de troublantes esquisses et quelques rêves brisés, en transportant le lecteur par delà les mers, avec une facilité déconcertante…

A l’aube de la poésie persane
Mathias Enard, dans son livre , fait renaître maintes fois cette poésie, dont le sujet premier tient autant à cette musicalité qu’à la philosophie, de manière subtile et envoûtante, où il y retranscrit deux aspects de cet art. D’une part, la présence de poètes historiques dont le rôle est de contribuer à la réalisation d’un aspect bien vivant des personnages, avec pour exemple le poète Mesihi :
« Le poète subtile et original, maître du renouveau de la poésie ottomane, dont les vers inspireront des centaines d’imitateurs. ». (p 93)
D’autre part, les contes et les poèmes qui nous sont murmurés tout au long du roman nous font découvrir l’art persan, comme le stipule les vers page 94,
« Je ne cesse de désirer que lorsque mon désir est satisfait,
Que ma bouche atteint la lèvre rouge de mon amour,
Où mon âme expire dans la douceur de son haleine.
Et tu invoqueras toujours le nom de Hafiz en compagnie des tristes et des cœurs brisés. »
Ces insertions de personnages réels et de contes des mille et une nuits donnent un souffle de vie non-négligeable à l’ouvrage :
« C’est l’histoire très ancienne d’un pays aujourd’hui disparu...» (p. 96)
L’auteur a donc fait en sorte que la poésie détienne une place prépondérante dans cette intrigue. C’est pourquoi l'écrivain introduit au cœur de l’ouvrage une jeune chanteuse, surnommée « L’Andalouse », qui, en ensorcelant Michel-Ange, va entrebâiller la porte du caractère poétique, sans pour autant que ce dernier fasse partie intégrante du livre. Les paroles de cette femme relatent ses propres sentiments dans de longs monologues, décrivant Michel-Ange de son horizon oriental, comme un homme occidental emprisonné dans son propre art, sous la contrainte des grands du monde. Mathias Enard reconquiert donc la poésie persane, avec un nouveau style, qui va malgré tout à l’encontre de la tradition orale. Ainsi, il détourne cet art oriental, à des fins littéraires, qui conduisent son récit de bout en bout.

Poussée par le souffle de la mystique Constantinople
L’intrigue de l’ouvrage se déroule sur les rives du Bosphore, aux côtés de la basilique Sainte Sophie, capitale de l’Empire ottoman. Cette ville au passé lourd d’histoire, dont les noms divers et variés, Byzance, Constantinople, puis Istanbul forment l’essence même de la capitale, est un cadre idéal pour une rencontre entre différentes ethnies. Cette atmosphère orientale et riche en épices permet d’effacer le côté presque fade de l’occident apporté par Michel-Ange. Effectivement, les descriptions introduisant Constantinople, regorgent de senteurs parfumées, permettant au lecteur de s’immiscer directement dans la ville. De plus, cette dernière dont les fêtes et les ébats ont rythmé le séjour de Michel Ange, a pris possession son âme et ont rejailli sur ses chef-d ‘œuvres.
" On retrouvera les cinq bracelets d’argent autours de la cheville fine, l’épaule dorée et le grain de beauté à la base du cou dans un recoin de la chapelle Sixtine, quelques années plus tard (…)." Constantinople, régie par les ottomans, dits « les maîtres de la lumière »par Mathias Enard sera donc une source d’inspiration majeure pourcelui ci, comme pour son héros.

Au cœur d’une tempête historique et religieuse
Entre les guerres du pape Jules II, les massacres des juifs, l’ambition du frère de Bayezid vis-à-vis du trône ottoman, la situation politique de l’Europe et l’Orient se désagrège. En effet à l’arrivée de Michel-Ange à Constantinople, la ville et l’empire ont alors pour monarque le huitième sultan ottoman, Bayezid II, régissant autant les arts que son pays, qui décide d’égaler les puissances occidentales par la beauté de sa capitale, qui sera sublimée par la construction du pont de la Corne d’or, par Michel-Ange. C’est dans ce contexte politique que ce dernier intervient à Constantinople, créant ainsi une tension supplémentaire pour l’empire ottoman.
Celle-ci s’accompagne du fait que la religion était un sujet plutôt sensible à l’époque. En effet, certaines religions étaient prohibées en Occident, comme le judaïsme ou l’islam. Par conséquent, Mathias Enard a fait en sorte que la piété de l’artiste se trouve alors confrontée à celle des mahométans :
« Et Michel-Ange surmonte sa peur et son dégoût des choses musulmanes pour pénétrer [dans la mosquée] » (p. 36).

Mathias Enard, comme tous les auteurs, se différencie de ses pairs. Leurs enfances, leurs voyages, leurs éducations et bien plus encore les diférencieraient. Mais en plus de cette disparité universelle, Enard possède un style d'écriture particulier et une imagination débordante .Enard nous emporte alors dans un univers oriental plein de sentiments, de chaleur et de trahisons…

Johanna Muller et Geneviève Baumann (2de 4)