Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants est le nouveau roman de Mathias Enard, bombe de la rentrée littéraire.
Je les entends déjà rire, et pourtant je ne parlerai que peu de Zone. Paru en août 2008, prix Décembre, prix du Livre Inter, Zone est son précédent roman qui avait été pour moi la sortie de l’année.
Je ne dirai pas que j’ai été déçu par son nouveau roman, mais il est juste de dire qu’il est très différent. Michel-Ange arrive à Constantinople en 1507 pour lancer le chantier d’un gigantesque pont qui reliera les deux rives de la Corne d’Or. Le grand Léonard vient d’y échouer et pour prendre sa place, et surtout par appât du gain, celui qui n’est pas encore le célèbre créateur du plafond de la Chapelle Sixtine, arrive dans cette ville aux portes de l’Orient. Plus qu’un architecte ou qu’un sculpteur, l’homme découvre les joies et les tourments du dilettantisme dans cette cité d’impies qui ne s’appelle plus Constantinople. De retour de longues balades avec ses accompagnateurs mandatés auprès de lui par le Grand Vizir, Michel-Ange s’enferme dans sa chambre pendant des jours et s’abandonne dans des esquisses de détails entrevus dehors. C’est une danseuse venue égayer une soirée à laquelle il participe, qui lui fait découvrir l’amour. Mais s’il n’est pas même parvenu à déceler le sexe de ce corps, Michel-Ange hésite devant la nature des désirs que cet être crée chez lui. Ce n’est pas cet amour qui éveille l’artiste, mais un autre, plus proche et pourtant plus loin de lui, et que la danseuse devenue amante (ou le danseur devenu amant) va lui permettre de découvrir. Nous savons, quand nous connaissons la biographie de cet artiste qui a marqué des générations d’artistes après lui, qu’il a été amoureux d’un homme. Nous découvrons dans ce court texte de Mathias Enard que cet homme, il l’avait connu à Istanbul.
Un roman qui commence léger et termine ténébreux, et qui en ça ressemblerait à son grand frère Zone, mais il n’en est rien. Son écriture est plus simple, moins maniérée même, diront ceux qui avaient détesté Zone, et j’en connais personnellement. On y retrouve bien sûr au moins l’un des sujets de prédilection de l’auteur. Il mentionnait déjà dans Zone cette région géographique qu’est la Méditerranée, et encore plus, les rives orientales de cette mer. Souvenons nous de cet ex-agent secret ressassant à l’occasion d’un ultime voyage en train tous les souvenirs de quinze années de renseignements autour de la Méditerranée. Pour ceux qui l’avaient lu, souvenons nous de La perfection du tir, premier excellent roman de l’auteur et qui mettait en scène un jeune sniper lors d’une guerre civile non citée à aucun moment hors le fait qu’elle se situait dans une région méditerranéenne dans laquelle nous reconnaissions le Liban. Ce garçon encore adolescent est entré dans la guerre et parce qu’il ne connait rien d’autre ne saura jamais comment vivre l’amour qu’il éprouve pour une jeune femme, autrement que dans la violence et les larmes. Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants est pour moi un roman qui aurait pu faire partie de Zone. Il le complète et y ajoute une pincée d’art et de sentiments. À ce même titre, La perfection du tir annonçait Zone en cela que ce pouvait être une histoire rencontrée par l’agent secret.
Michel-Ange peste contre Jules II le pape guerrier et autoritaire qui l’a si mal traité. Michel-Ange est orgueilleux. Michel-Ange a conscience d’être un artiste de valeur. »
« Michel-Ange frémit dans son manteau de laine, le printemps est timide, pluvieux. Michelangelo Buonarroti atteint les frontières de la République de Florence à la seconde heure de la nuit, nous apprend Ascanio Condivi, son biographe ; il s’arrête dans une auberge à trente lieues de la ville.
Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants reste un beau roman à lire. Vous y découvrirez un court moment de la longue vie de Michel-Ange et qui pourtant la déterminera jusqu’à sa fin. L’écriture, au delà d’être différente, est très intéressante, et plus travaillée à mon goût que les ouvrages précédant Zone. L’auteur use d’un système de narration cher aux américains et à certains français auxquels Mathias Enard se plait à ressembler. Il n’entre pas dans la psychologie de son personnage ni d’aucun autre. Il décrit les faits, simplement, et au lecteur d’en tirer ses conclusions. Un petit extrait pour en illustrer le propos, tiré du début du roman :
Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants est le nouveau roman de Mathias Enard, bombe de la rentrée littéraire.
Je les entends déjà rire, et pourtant je ne parlerai que peu de Zone. Paru en août 2008, prix Décembre, prix du Livre Inter, Zone est son précédent roman qui avait été pour moi la sortie de l’année.
Je ne dirai pas que j’ai été déçu par son nouveau roman, mais il est juste de dire qu’il est très différent. Michel-Ange arrive à Constantinople en 1507 pour lancer le chantier d’un gigantesque pont qui reliera les deux rives de la Corne d’Or. Le grand Léonard vient d’y échouer et pour prendre sa place, et surtout par appât du gain, celui qui n’est pas encore le célèbre créateur du plafond de la Chapelle Sixtine, arrive dans cette ville aux portes de l’Orient. Plus qu’un architecte ou qu’un sculpteur, l’homme découvre les joies et les tourments du dilettantisme dans cette cité d’impies qui ne s’appelle plus Constantinople. De retour de longues balades avec ses accompagnateurs mandatés auprès de lui par le Grand Vizir, Michel-Ange s’enferme dans sa chambre pendant des jours et s’abandonne dans des esquisses de détails entrevus dehors. C’est une danseuse venue égayer une soirée à laquelle il participe, qui lui fait découvrir l’amour. Mais s’il n’est pas même parvenu à déceler le sexe de ce corps, Michel-Ange hésite devant la nature des désirs que cet être crée chez lui. Ce n’est pas cet amour qui éveille l’artiste, mais un autre, plus proche et pourtant plus loin de lui, et que la danseuse devenue amante (ou le danseur devenu amant) va lui permettre de découvrir. Nous savons, quand nous connaissons la biographie de cet artiste qui a marqué des générations d’artistes après lui, qu’il a été amoureux d’un homme. Nous découvrons dans ce court texte de Mathias Enard que cet homme, il l’avait connu à Istanbul.
Un roman qui commence léger et termine ténébreux, et qui en ça ressemblerait à son grand frère Zone, mais il n’en est rien. Son écriture est plus simple, moins maniérée même, diront ceux qui avaient détesté Zone, et j’en connais personnellement. On y retrouve bien sûr au moins l’un des sujets de prédilection de l’auteur. Il mentionnait déjà dans Zone cette région géographique qu’est la Méditerranée, et encore plus, les rives orientales de cette mer. Souvenons nous de cet ex-agent secret ressassant à l’occasion d’un ultime voyage en train tous les souvenirs de quinze années de renseignements autour de la Méditerranée. Pour ceux qui l’avaient lu, souvenons nous de La perfection du tir, premier excellent roman de l’auteur et qui mettait en scène un jeune sniper lors d’une guerre civile non citée à aucun moment hors le fait qu’elle se situait dans une région méditerranéenne dans laquelle nous reconnaissions le Liban. Ce garçon encore adolescent est entré dans la guerre et parce qu’il ne connait rien d’autre ne saura jamais comment vivre l’amour qu’il éprouve pour une jeune femme, autrement que dans la violence et les larmes. Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants est pour moi un roman qui aurait pu faire partie de Zone. Il le complète et y ajoute une pincée d’art et de sentiments. À ce même titre, La perfection du tir annonçait Zone en cela que ce pouvait être une histoire rencontrée par l’agent secret.
Michel-Ange peste contre Jules II le pape guerrier et autoritaire qui l’a si mal traité. Michel-Ange est orgueilleux. Michel-Ange a conscience d’être un artiste de valeur. »
Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants reste un beau roman à lire. Vous y découvrirez un court moment de la longue vie de Michel-Ange et qui pourtant la déterminera jusqu’à sa fin. L’écriture, au delà d’être différente, est très intéressante, et plus travaillée à mon goût que les ouvrages précédant Zone. L’auteur use d’un système de narration cher aux américains et à certains français auxquels Mathias Enard se plait à ressembler. Il n’entre pas dans la psychologie de son personnage ni d’aucun autre. Il décrit les faits, simplement, et au lecteur d’en tirer ses conclusions. Un petit extrait pour en illustrer le propos, tiré du début du roman :
« Michel-Ange frémit dans son manteau de laine, le printemps est timide, pluvieux. Michelangelo Buonarroti atteint les frontières de la République de Florence à la seconde heure de la nuit, nous apprend Ascanio Condivi, son biographe ; il s’arrête dans une auberge à trente lieues de la ville.